Table ronde autour de l’ouvrage L’œil de Ruskin. L’exemple de la Bourgogne

Lundi 16 avril 2012
19h00
Galerie Gimpel & Müller
12 rue Guénégaud
75006 Paris



Avec les auteurs : Cynthia Gamble, visiting fellow de l'Université de Lancaster, vice-présidente de la Ruskin Society, et Matthieu Pinette, conservateur en chef du Patrimoine, cogérant du château de Germolles (Bourgogne du sud) ;
débat animé par Mireille Naturel, maître de conférences de l'Université de la Sorbonne nouvelle-Paris 3, secrétaire générale de la Société des Amis de Marcel Proust et des Amis de Combray.

Parmi les principaux inspirateurs de Marcel Proust, il est une figure qui s'impose d'emblée, celle de John Ruskin, dont il a d'ailleurs traduit deux ouvrages.

Ruskin demeure inexplicablement méconnu en France. Pourtant cet Anglais, parfait contemporain de la reine Victoria, est certainement l'un des esprits les plus originaux en Europe occidentale vers le milieu et dans la seconde moitié du XIXe siècle. Très éclectique, Ruskin est à la fois écrivain et dessinateur, critique d'art (il est le champion de Turner) et polémiste, soucieux de l'éducation des enfants et attachés au sort des plus démunis, fasciné par la nature et forgé par la religion. De ces richesses, parfois antagonistes, naît une personnalité polymorphe, savoureuse, parfois irritante…

Si les trois passions territoriales de Ruskin le portent vers les Alpes, Venise et le Nord de la France, la Bourgogne, à la croisée de ces chemins privilégiés, est justement au cœur des itinéraires ruskiniens. Ce livre, loin d'être un ouvrage « régionaliste », rassemble pour la première fois tous les textes de l'auteur consacrés à la Bourgogne, recueillis dans son immense production littéraire ; il s'attache à la fois à retracer scrupuleusement ses parcours, mais aussi à montrer comment chez « ce grand homme » (c'est ainsi que le nomme Marcel Proust, son fervent admirateur) son regard sur un territoire génère toujours à la fois une jouissance critique de ce qu'il contemple, mais aussi un élargissement de son analyse vers l'universel.

Ruskin a séjourné plus d'une quinzaine de fois en Bourgogne, pour des séjours plus ou moins longs, allant de la simple traversée jusqu'à la longue quête studieuse. Son premier voyage se situe en 1833 et son ultime en 1888. Ses choix et ses moyens ne l'ont pas conduit vers tous les hauts lieux de la province : s'il a séjourné à Auxerre, Avallon, Sens, Vézelay ou Dijon, il ne s'est point dirigé vers Autun ou Cluny. S'il s'attache à certains monuments, il semble en ignorer d'autres, s'il s'évertue parfois à dénigrer longuement tel détail d'un édifice ou à décortiquer soigneusement tel autre, il peut tout autant se contenter de louanges fort allusives et rapides… : toute la précieuse ambiguïté ruskinienne est là, dans la spécificité d'une approche très singulière.

Ainsi ce recueil – fruit d'une fructueuse collaboration britannico-française – vaut tout autant pour le témoignage qu'il livre sur son temps, que pour la manière piquante qui est celle de Ruskin, avec ses envolées d'enthousiasme comme ses jugements sans appel, et surtout par la densité prolifique d'un esprit libre.