Le livre au corps

Jeudi 24 et vendredi 25 juin 2010
Galerie Colbert
Salle G. Vasari
2, rue Vivienne
75002 Paris

Accès : 6, rue des Petits-Champs

C'est ici l'identité immédiate que nous propose Husserl entre deux termes en apparence éloignés. Plus tard, Emmanuel Levinas énoncera que le livre est « une modalité de notre être » qui se fonde précisément sur la présence du livre comme « référence “ontologique” de l'humain ».

Qu'est-ce qu'un livre en effet sinon l'occasion de poser la question de son rapport au corps ?

Les mots ont leur importance. D'emblée, le livre est associé au corps, à commencer par ce mot même de « corps », la taille du caractère d'imprimerie. Colonne, en-tête, en-pied, nerfs, dos, coiffe, main, nain, œil, tête sont les mots d'un vocabulaire organiquement lié au livre et traduisant la corporéité du livre.

Le livre est incarné par ce lecteur, un corps vivant, nomade ou sédentaire, l'un des protagonistes d'une très longue chaîne d'intervenants fédérés par des métiers ou des corporations : éditeur, maquettiste, imprimeur, parfois relieur, traducteur, correcteur, libraire, bibliothécaire… Le livre est ainsi pris en mains au fur et à mesure de son élaboration et de sa constitution et constamment mis en œuvre par des corps agissants qui le façonnent à leur image. Le livre est de fait une façon de prolongement ou d'extension du corps propre. Il se définit encore comme une projection du corps correspondant.

Dans ce qui constitue sa matière première à savoir son contenu de texte (et parfois d'images), un corps est mis au jour et présent par le truchement d'un auteur visible parce que son nom est révélé au public, mais un auteur qui est tout autant invisible car il est le fantôme du livre, un corps absent à tout le moins dissimulé dans la page de cet « objet investi d'esprit » pour reprendre Husserl.

Le livre est comme un corps vivant avec une naissance, un développement, une mort et parfois une résurrection ; il est « putrescible, combustible, et même comestible » (Michel Melot). Le livre est même doué de parole puisque dans un puissant retournement dialectique, un effet de miroir, « le livre nous lit » (George Steiner) encore plus profondément que nous ne lisons ; il est notre intimité même, la chair de notre chair jusqu'à une possible fusion.

Le livre est métaphore corporelle mais il est surtout partie intégrante de notre identité corporelle et mentale. Le livre est comme un corps protégé par sa couverture adaptée en tant que surface d'isolation de la partie sensible, de cette chair feuilletée et mise à vif que constitue le papier de la page, cette peau plus ou moins fine, granuleuse, lisse, que les doigts caressent tout en la déchiffrant.

Alain MILON Marc PERELMAN Professeurs à Paris Ouest-Nanterre La Défense

Après les deux premiers volets de notre triptyque consacré au livre, « Le livre et ses espaces » (2005), « L'esthétique du livre » (2007), nous proposons un dernier volet sur le thème : « Le livre au corps ». Deux volumes ont déjà paru aux Presses Universitaires de Paris Ouest : Le Livre et ses espaces (2007) et L'Esthétique du livre (2009) ; un troisième volume paraîtra sur le thème du colloque « Le livre au corps ».

  • Partenaires
    Université Paris Ouest-Nanterre La Défense ; Équipe d'Accueil (ÉA) : Histoire de l'Art et Représentation, École Doctorale : « Milieux, cultures et société du passé et du présent » ; Équipe d'accueil (ÉA), Centre de recherches en littérature et poétique comparées, École Doctorale : « Lettres, langues, spectacles ».