L’enroulement du ciel, une installation de Franck Scurti à découvrir à l’Institut national d’histoire de l’art du 2 novembre 2020 au 3 mai 2021

Invité l’été dernier par Chris Dercon, président de la RMN-Grand Palais, Franck Scurti a installé pendant deux mois son atelier dans la nef de l’édifice à l’occasion du “non-projet” « Au jour le jour ». Il y crée L’enroulement du ciel, une œuvre évoquant un détail de la fresque du Jugement Dernier de Giotto à la Chapelle Scrovegni de Padoue, qui représente l’enroulement du ciel par les anges. 

Cette œuvre, encore en devenir car vouée à se réinventer dans les lieux qui l’accueilleront, est visible dans le hall Rose Valland de l’Institut national d’histoire de l’art, et sa médiation est assurée par Eléonore Tran, Sarah Lolley et Victoria Molland, étudiantes en master de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Ces dernières inventeront des dispositifs permettant de susciter dialogue et débat autour de la présence de cette œuvre dans le hall Rose Valland(discussion publique avec l’artiste et avec des historiens de l’art, présence sur les réseaux sociaux, événements).

Né en 1965 à Lyon, Franck Scurti vit et travaille à Paris depuis 1992. Ancien étudiant des Beaux-Arts de Saint-Étienne et de Grenoble, il développe très tôt une œuvre protéiforme aux dimensions multiplesen ayant recours aux médiums les plus variés. Ses pièces sont souvent créées à partir de matériaux etde formes trouvées, de choses dépourvues de valeurs qu’il redéfinit soigneusement en élaborant à chaque fois leur logique d’apparition. Au fil du temps, cette suite de travaux forme un récit où les associations de sens entre chaque œuvre se substituent à un style ou à un genre. Ce récit se réfère à l’histoire occidentale et à la façon dont elle est traversée par les données politiques, économiques et scientifiques qui ponctuent nos vies quotidiennes.

L’enroulement du ciel est une installation vouée à évoluer en fonction du site qui l’accueille, composée de grandes affiches publicitaires à dos bleu décollées de leurs supports puis disposées sur le sol. Le verso des affiches, souvent déchirées, évoque un ciel de marbre aux nombreuses nuances de bleu sur lequel s’érige des socles. Accompagnant chaque volume, un tube doré précise l’idée de l’enroulement ou du déploiement de la surface tout en soulignant la hauteur, la largeur ou la profondeur de chacun. Si le verso bleuté du papier est l’élément chromatique qui garantit l’unité de l’installation, les cylindres d’or qui en ponctuent la surface et les volumes, se donnent comme un principe d’harmonie. Mais c’est par son économie de moyen, le choix de ses matériaux et la vacuité de son dispositif que L’enroulement du ciel s’impose et questionne la notion de valeur associée à l’œuvre d’art et à son apparition à l’intérieur du système culturel. Fable laconique, l’œuvre déploie ainsi un double espace : un espace topographique, mesurable et rationnel et de l’autre, un espace symbolique, une allusion à l’infini de la voute céleste. Si le motif de l’enroulement du ciel dans le Jugement dernier de Giotto peut être vu comme une affirmation du caractère artificiel de la peinture, le dispositif de Franck Scurti joue sur la dissolution des limites entre l’œuvre d’art, son autonomie et le contexte environnant. L’installation, devenue dispositif de monstration, questionne les conditions de visibilité des œuvres d’art par une dialectique de l’absence (présence de socles et affiches qui ne montrent rien, ne soutiennent rien).

À L’INHA, l’œuvre garde en elle l’idée d’un flux, d’une déchirure créant une ouverture sur l’espace réel, ici celui du hall Rose Valland. En confrontant la rhétorique de l’exposition à la science du lieu et aux personnes qui l’animent (historiens de l’art, chercheurs, conservateurs, étudiants…), L’enroulement du ciel trouve tout son sens au sein même du site qui rassemble la recherche en histoire de l’art

À propos de Franck Scurti

Franck Scurti, né en 1965 à Lyon, vit à Paris depuis 1992. Il a étudié à l’école des Beaux-Arts de Saint-Étienne (1986-1989) puis ensuite aux Beaux-Arts de Grenoble (1989-1991). En 1991, il est invité par la Fondation Cartier à résider pendant trois mois dans ses ateliers de Jouy en Josas. L’année suivante, Il participe aux sessions de l’Institut des Hautes Études en Arts Plastiques (IHEAP) où il fait la connaissance de Pontus Hulten, Sarkis et Daniel Buren. Rencontres qui seront déterminantes pour la suite de son parcours. En 1993, pour sa deuxième exposition personnelle, il inaugure « Le Studio » des galeries contemporaines du MNAM Centre Georges Pompidou (qui deviendra par la suite « l’espace 315 »). Plus tard, Il sera par deux fois lauréat du prix « Villa Médicis hors les murs ». La première fois en 1997 pour un séjour à Chicago ou il réalisera sa première vidéo : Chicago/Flipper, puis en 1999, pour un séjour de trois mois à New York. En 2001, il créa une version inédite du dessin animé « La Linéa » d’Osvaldo Cavandoli. Ensuite, en 2003, il sera invité par IASPIS (International Artists Studio Progam in Sweden) à séjourner pendant six mois à Stockholm ou il réalisera un documentaire sur le critique d’art Ulf Linde, auteur de la première copie autorisée par Marcel Duchamp de La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, exposée au Moderna Museet de Stockholm. En 2011, il crée à la demande de la Ville de Paris un monument en hommage à Charles Fourrier : La Quatrième Pomme. En 2012, l’artiste sera nominé pour le prix Marcel Duchamp. Franck Scurti fera partie des artistes invités par Daniel Buren à participer à son installation Une Fresque, exposée à BOZAR / Palais des Beaux-Arts de Bruxelles en 2016, « composée d’œuvres d’artistes qui ont marqué son propre parcours artistique ». À l’été 2020, l’artiste invité par Chris Dercon, crée « Au jour le Jour » et installe son atelier durant deux mois sous la nef du Grand Palais.