Annette Michelson et « l’aspiration radicale » de la critique

Photogrammes du film de Jonas Mekas, He Stands in a Desert Counting the Seconds of His Life, 1985, 16 mm, couleur, son, 150 minutes, Annette Michelson © Jonas Mekas

L’Institut national d’histoire de l’art, en partenariat avec la Terra Foundationfor American Art, organise le 17 janvier prochain une soirée hommage à lacritique d’art et de cinéma américaine.

 

Disparue en septembre dernier, Annette Michelson (1922-2018), critique d’art américaine, a largementcontribué à la création du champ universitaire d‘études cinématographiques et à diffuser le cinémaexpérimental en tant qu’art à part entière.

 

Après avoir étudié au Brooklyn College et à l’Université Columbia à New York (où elle suit les coursde Meyer Schapiro), elle s’installe à Paris en 1950 pour y rester seize ans. Conseillère littéraire pour lesÉditions René Julliard (1954-1957), elle est aussi correspondante artistique de l’édition internationalede New York Herald Tribune (1957-1961), correspondante parisienne d’Arts Magazine (1957-1963)et rédactrice parisienne d’Art International (1962-1964). Marquée par la phénoménologie de MauriceMerleau-Ponty et par l’approche structuraliste de Claude Lévi-Strauss, Annette Michelson suit leurscours tout en traduisant en anglais les essais littéraires et philosophiques de Jean-Paul Sartre et Faut-ilbrûler Sade ? de Simone de Beauvoir. De retour aux Etats-Unis en 1966, elle intègre la rédaction de larevue Artforum comme critique de cinéma puis pour en devenir en suite la responsable de la section« Film and Performance ». Elle y dirige, en 1971, un numéro spécial consacré au film expérimental,réunissant des écrits des cinéastes et artistes Hollis Frampton, Robert Smithson, Michael Snow, RichardSerra, Joan Jonas, ainsi que des textes sur Paul Sharits, Joyce Wieland, Man Ray et Moholy-Nagy. En1973, elle dirige un numéro spécial dédié aux cinéastes Sergueï Eisenstein et Stan Brakhage. Certainsdes articles d’Annette Michelson de cette époque ont fait date et n’ont cessé d’être l’objet d’âpresdiscussions, tel son texte programmatique « Film and the Radical Aspiration » (Film Culture, 1966)ou son article sur 2001 : l’Odyssée dans l’espace de Stanley Kubrick (« Bodies in Space: Film as ‘CarnalKnowledge,’ » Artforum, 1969).

 

En 1967, elle rejoint le Département d’études cinématographiques à l’Université de New York (qui y est créé la même année) où elle enseigne, supervise des thèses de doctorat et élabore des programmes jusqu’en 2004.

 

C’est en 1976 qu’elle fonde la revue critique October avec Rosalind Krauss, journal politiquementengagé qui introduit, entre autres, les idées du structuralisme français auprès du lectorat américain.Dans toute sa production, elle donne une place prépondérante aux écrits d’artistes. Elle est à l’originedes tout premiers essais sur Sergueï Eisenstein et Dziga Vertov, ainsi que certaines traductions destextes de Georges Bataille. Parmi ses nombreuses traductions, essais et articles, Annette Michelsona publié Kino-Eye: the Writings of Dziga Vertov (1984), et Cinema, Censorship, and the State: TheWritings of Nagisa Oshima (1992). Ses textes sur le film expérimental ont été réunis en 2017 dans Onthe Eve of the Future: Selected Writings on Film (MIT Press). Le volume comprend notamment l’essaicritique sur le film Anémic Cinema de Marcel Duchamp, la première analyse des pratiques filmiquesde Joseph Cornell, ainsi que ses essais très influents sur Michael Snow, Maya Deren, Stan Brakhage ouHollis Frampton. En 2014, Annette Michelson fait don de ses archives au Getty Research Institute.

 

À propos de la soirée hommage

Annette Michelson a développé, tout au long de sa carrière, une forme singulière de critique, danslaquelle l’analyse rapprochée des objets est vouée à susciter un véritable dialogue théorique avec lesoeuvres. Cette soirée réunira trois personnalités venant d’horizons disciplinaires différents, afin deréfléchir à l’héritage d’Annette Michelson et à sa place dans le débat contemporain. À l’aide d’uneprésentation de documents et de films, seront abordés ses multiples intérêts (de l’art minimal aufilm expérimental, des avant-gardes soviétiques au surréalisme), sa relation aux artistes femmes et auféminisme, ainsi que ses liens avec la France.

 

Cette soirée, organisée en partenariat avec la Terra Foundation for American Art, est aussi l’occasion derendre compte du travail de recherche mené par Enrico Camporesi au Getty Research Institute sur lesarchives d’Annette Michelson. Cette première exploration dans les documents de travail de Michelsona été possible grâce à labourse postdoctorale de la Terra Foundation for American Art à l’INHA, dontEnrico Camporesi a été le premier lauréat.

 

Intervenants

  • Enrico Camporesi lauréat de la bourse postdoctorale de recherche 2017-2018 de la Terra Foundation for American Art
  • Élisabeth Lebovici critique et historienne d’art, Paris
  • Michele Pierson professeure d’études cinématographiques, King’s College, Londres

Films qui accompagneront la présentation

  • Annette Michelson: Conversations (Artists Television Network, 1980, vidéo, coul., son ; extrait ; copie provenant de Video Data Bank, Chicago)
  • Journeys from Berlin / 1971 (Yvonne Rainer, 1980, 16mm transféré sur DVD, coul., son ; extrait)
  • T,O,U,C,H,I,N,G (Paul Sharits, 1968, 16mm, coul., son, 12min. ; copie provenant de LUX, Londres)

Soirée en français et en anglais