Cinquième séance du cycle « Dialogues de la salle Labrouste »

© Marc Riou, INHA

Pour la cinquième séance des « Dialogues de la salle Labrouste » qui aura lieu le 29 juin 2018, Guillaume Cassegrain dialogue avec Maurice Brock à propos de son dernier ouvrage « Représenter la vision. Figurations des apparitions miraculeuses dans la peinture italienne de la Renaissance » (Actes Sud, 2017).

Mais que regardent-ils, les yeux au ciel ? S’agit-il de visions béatiques ou d’apparitions miraculeuses? Comment les peintres s’emparent-ils de ces visions? Que l’apparition ait lieu dans l’intimité d’une cellule ou dans le silence d’un songe, au milieu d’une campagne ou sur la place d’une ville, elle célèbre toujours la force de la vue dans le commerce avec le Ciel. Bien souvent fugace et singulière, la vision miraculeuse pose de nombreux défis à la peinture qui se doit de recourir à des artifices et des inventions particuliers afin de faire voir, pour toujours, à tous ce qu’un seul a vu, une fois.

La « vision miraculeuse » est un sujet éminemment complexe qui a donné lieu à d’importantes études pour la période médiévale et la période baroque mais il est loin d’en aller de même pour la Renaissance. Guillaume Cassegrain consacre « Représenter la vision », issu de sa thèse réalisée sous la direction de Daniel Arasse en 2001, à ce thème devenu central pour l’histoire de l’art
occidental sans toutefois avoir jamais fait l’objet d’une définition précise. L’ouvrage se distingue par son approche inédite du thème de la représentation des visions en s’attachant plus précisément à l’étude de la peinture italienne du xvième siècle pour laquelle les visions béatiques et les apparitions miraculeuses deviennent des motifs essentiels.

L’originalité du point de vue de l’auteur permet de renouveler notre perception de l’art de peindre à la Renaissance. Avec science, l’auteur analyse les  différents “codes” figuratifs dont les artistes s’emparent pour représenter la grande complexité des apparitions. Les nuages, les encadrements (bi-dimension de l’image) et les jeux de perspective deviennent des signes forts de la vision qui servent à la maintenir dans un rapport complexe avec le reste de la scène. Au travers d’exemples concrets, l’auteur montre comment les peintres détournent les codes classiques de la représentation concrète du réel provoquant un sentiment d’au-delà.

La Madone Willys du peintre vénitien Giovanni Bellini en est un exemple intéressant. La perception du regardeur est déconcertée par le “manque de logique spatiale” où l’espace céleste se mêle à l’espace terrestre, où l’arrière-plan et le premier plan entretiennent un rapport complexe. “Grâce à cet artifice, la Vierge est encadrée “miraculeusement” entre un arrière-plan et un premier plan. Bien souvent, ce premier plan ne peut être que supposé car il n’est pas représenté effectivement et seul le parapet, en marquant une frontière entre l’espace fictif et l’espace réel du dévot, indique un passage entre deux mondes différents”. Bellini complexifie le délicat rapport entre les deux mondes en plaçant sa signature gravée en lettre d’or sur le parapet faisant de celle-ci le seuil franchi par le doigt replié de la Madone qui vient investir d’une présence corporelle, ce lieu si indéfinissable.

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