JACQUOT, Albert(18 septembre 1853, Nancy – 26 août 1915, Nancy)

Auteur(s) de la notice : SESMAT Pierre

Profession ou activité principale

Luthier

Autres activités
Historien de la musique, historien d'art

Sujets d'étude
Artistes lorrains (XVe-XVIIIe siècle)

Carrière
1869 : s'installe dans l'atelier de lutherie de son père à Nancy
1880 : épouse Jeanne Allan, petite-fille de Mme Allan-Despréaux, de la Comédie-Française ; devient délégué président de l'Association Taylor des artistes musiciens à Nancy
1882 : premier ouvrage : La Musique en Lorraine ; devient membre de la Société d'archéologie lorraine
1889, 1891 et 1907 : participe aux Expositions de Paris, de Moscou et de Bruxelles
1900 : membre du jury et rapporteur général pour l'Exposition centennale et rétrospective de Paris
1903 : Grand prix à l'Exposition d'Hanoi

Palmes académiques (1880) ; officier de l'Instruction publique (1888) ; chevalier de l'ordre de Léopold de Belgique (1900) ; chevalier de l'ordre de Sainte-Anne de Russie (1901) ; chevalier de la Légion d'honneur (1903)

Étude critique

« La Lorraine est, on peut le dire avec orgueil, la terre la plus féconde qui soit de notre belle France. » Ainsi – par cette phrase au ton patriotique et régionaliste – commence le portrait qu'en 1903 La Lorraine artiste brosse d'Albert Jacquot, à l'occasion de ses cinquante ans et de sa décoration comme chevalier de la Légion d'honneur. L'école de Nancy alors triomphait : la même année, toutes les revues artistiques avaient commenté son exposition au pavillon de Marsan à Paris. Pour sa part, Albert Étienne Charles Jacquot apporta sa contribution à la glorification des artistes lorrains en se consacrant à ceux du passé. Il le fit plutôt en amateur éclairé et érudit qu'en véritable historien de l'art. En effet, sa passion et son métier étaient au premier chef la lutherie.

Étienne Charles Albert Jacquot appartenait à une des plus célèbres et des plus anciennes familles de luthiers lorrains. Il en donna lui-même la généalogie dans son ultime ouvrage, La Lutherie lorraine et française, paru en 1912 qui contenait aussi sa propre notice biographique. Son grand-père s'était installé comme luthier à Nancy en 1827 mais, dès la fin du XVIe siècle, ses ancêtres vivaient à Mirecourt, aujourd'hui encore haut lieu de la lutherie. Entièrement vouée à l'apprentissage de la fabrication et de la pratique du violon et à l'étude des instruments anciens, la formation du jeune Albert le mena à Augsbourg puis à Paris, dans l'atelier qu'y possédait son grand-père. Dans la capitale, plus tard, il y fera la connaissance de nombreux musiciens de son temps et des plus fameux, comme Charles Gounod, Ambroise Thomas, Jules Massenet, dont les lettres lui offrirent l'occasion de quelques préfaces à ses ouvrages. De retour à Nancy, il travailla dans l'atelier de son père et prit naturellement sa succession à la mort de celui-ci en 1900. Réparateur, restaurateur, fabricant de violons, il acquit une grande renommée, ce qui lui valut d'être, pour sa catégorie, membre du jury et rapporteur général lors de l'Exposition universelle de 1900 à Paris. Sensible au naturalisme et au symbolisme ambiants, il fut le « premier luthier français à introduire l'ornementation pour les instruments à archets ». Parmi cette production thématique, l'un des violons baptisé France et Russie fut acquis par le tsar Nicolas II.

Parallèlement, Jacquot mena une activité de polygraphe extrêmement prolifique, touchant essentiellement au domaine de l'histoire de l'art, de la musique d'abord, puis rapidement de tous les arts visuels. D'après l'autobiographie de La Lutherie lorraine et française, cette seconde vocation s'expliquerait ainsi : « En étudiant les anciens instruments, le goût de l'archéologie le conduisit à approfondir ce qui touche non seulement à la construction des instruments de musique mais aussi à tout ce qui avait rapport aux manifestations d'art et particulièrement de son pays d'origine, en Lorraine. » Publié en 1882, son premier ouvrage fut consacré à la musique en Lorraine. Il n'était pas dépourvu d'intentions patriotiques et voulait aussi montrer comment la « vieille terre lorraine » avait bénéficié de « sa situation entre deux pays d'égale valeur musicale » (introduction de Jules Gallay). Cependant le sous-titre du livre, Étude rétrospective d'après les archives locales, est tout à fait explicite de la méthode et des orientations de recherche qu'entretenait Jacquot. Il s'y tint, préférant toujours la voix directe des archives à la quête apparemment moins assurée de l'explication et de la signification, l'histoire factuelle et le mode biographique aux analyses plastiques et esthétiques. En un mot, une histoire de l'art plutôt positiviste. Son souci était aussi de montrer que la Lorraine est bonne terre pour engendrer des artistes, et bien moins de comprendre la manière de ceux-ci. Ses intentions, Jacquot les exposa lui-même en tête du premier des douze volumes de son Répertoire des artistes lorrains, publié en 1900 : « Ce travail, qui répond à de longues années d'investigations, apporte de nombreux éléments de rectification et de contribution inédits à l'histoire de nos artistes. Il nous a paru convenable de lui laisser la forme nette mais un peu sèche, d'une nomenclature exacte ou d'un dictionnaire. Notre seule ambition a été de venir en aide aux hommes d'étude en abrégeant leurs recherches. » Cette modestie revendiquée n'empêche pas la rigueur critique : chaque notice est accompagnée de sa bibliographie et de ses mentions archivistiques. Par ailleurs, Jacquot connaissait les autres limites de sa méthode : n'apparaîtraient pas dans son champ d'étude les œuvres en grand nombre restées anonymes, notamment les décors peints des églises et des châteaux. Autre restriction – celle-ci moins consciente – : les archives exploitées sont essentiellement celles de Nancy et du département de la Meurthe-et-Moselle. La Lorraine mosellane alors annexée est pour ainsi dire absente. Enfin, la fin du XVIIIe siècle est adoptée comme limite chronologique : la Lorraine est annexée par la France en 1766 et « dès lors, l'histoire esthétique (de la Lorraine) ne saurait plus être séparée de l'histoire générale des arts français ». Dans la même veine, il faut noter que jamais Jacquot ne se voulut étroitement régionaliste. Comme la plupart des membres de l'élite intellectuelle du Nancy contemporain, il resta en étroite liaison avec la capitale : il présenta ses mémoires sur les artistes lorrains lors de réunions des Sociétés des beaux-arts des départements qui se tenaient à l'École des beaux-arts et veilla à les publier chez des éditeurs parisiens.

Dans les premiers temps de cette vocation d'historien, Jacquot se pencha sur quelques grands noms et dynasties de l'histoire de l'art lorrain : Claude Déruet, les Woëriot, les Adam, les Clodion… Puis, à partir de 1900, il en vint à relever et à révéler quantité de noms d'artistes lorrains, depuis les peintres, les sculpteurs, les architectes, les musiciens, les poètes… jusqu'aux joailliers, aux facteurs d'orgues, aux verriers, aux faïenciers et même aux brodeurs et aux potiers d'étain… Cette perception extensive de la notion d'artiste fait écho sans doute aux préoccupations – le rêve de l'union des arts – de l'Art nouveau à Nancy. Elle avait aussi l'avantage de sortir les luthiers de leur statut d'artisan et de faire du maître luthier nancéien un artiste à part entière.

Pierre Sesmat, professeur d'histoire de l'art médiéval et moderne à l'université de Nancy 2

Principales publications

Ouvrages et catalogues d'expositions

Bibliographie critique sélective

  • Nicolas Émile. – « Albert Jacquot ». In La Lorraine artiste, 1903, p. 218-222.
  • Wiener Lucien. – Observations sur un mémoire intitulé : les graveurs lorrains, par Albert Jacquot. Nancy : impr. Crépin-Leblond, s. d.
  • Arbois de Jubainville Paul (d'). – Dictionnaire biographique lorrain, pub. et augm. par des auteurs de la Société Thierry Alix. Metz : édit. Serpenoise, 2003.

Sources identifiées

Pas de sources recensées à ce jour