BARBET DE JOUY, Henry(17 juillet 1812, Canteleu, Seine-Maritime – 26 mai 1896, Paris)

Cyprien Godebski, Joseph-Henri Barbet de Jouy (1812-1896), 1899, Paris, musée du Louvre, © RMN / Jean-Gilles Berizzi. Sculpture en marbre, 62 x 53 x 32 cm.

Auteur(s) de la notice : BRESC-BAUTIER Geneviève

Profession ou activité principale

Conservateur au Louvre, directeur des musées nationaux

Autres activités
Archéologue, historien d'art

Sujets d'étude
Renaissance française, objets d'art

Carrière
janvier 1851 : première mention de sa collaboration au musée du Louvre
1er janvier 1852 : attaché à la conservation du musée du Louvre, département des Antiques et des sculptures modernes (pour les sculptures modernes)
octobre-novembre 1853 : voyage en Italie, étudie les sculptures en terre cuite émaillée des Della Robbia
15 février 1855 : conservateur-adjoint des musées impériaux, il est plus spécialement chargé des sculptures et des objets d'art modernes
1861 : chevalier de la Légion d'honneur
16 mars 1863 : conservateur du musée des Souverains et des objets d'art du Moyen Âge et de la Renaissance
10 octobre 1871 : conservateur des musées nationaux, département des sculptures et objets d'art du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps modernes
1872 : officier de la Légion d'honneur
1e mars 1879 : administrateur des musées nationaux
1880 : membre de l'Académie des beaux-arts
5 juillet 1881 : mis en disponibilité, puis à la retraite le 12 octobre

Étude critique

D'origine rouennaise, Joseph-Henry Barbet de Jouy est le fils d'un industriel du textile, propriétaire de la manufacture de toiles imprimées fondée par Oberkampf à Jouy-en-Josas, à laquelle il avait emprunté son surnom. Contraint à la reconversion à la suite de la faillite de l'entreprise paternelle, il entre au Louvre, probablement sur la recommandation de son père, en 1850. Il devient rapidement attaché à la conservation, sous l'autorité du comte Léon de Laborde, dans la partie du département des Antiques consacrée aux sculptures modernes et aux objets d'art. Mais comme Laborde quitte de fait le Louvre en 1854, c'est Barbet qui gère désormais la section, est nommé conservateur-adjoint et en publie le catalogue des sculptures en 1855 et plus tard, en 1867, celui des gemmes et joyaux de la galerie d'Apollon. En 1857, Laborde atteste qu'il l'a aidé à publier la Notice des émaux, bijoux et objets divers exposés dans les galeries du Louvre. En 1863, lorsque Viel-Castel, le directeur du musée, est démis de ses fonctions, Barbet reprend sa fonction de conservateur du musée des Souverains, éphémère collection à la gloire des dynasties qui ont régné en France, qui sera, bien évidemment, supprimé en 1871. Il garde toujours la responsabilité des objets d'art Renaissance et modernes et, théoriquement, celle des sculptures, bien que celles-ci ne soient plus gérées, ou plus exactement le soient de façon insouciante, par le directeur Émilien de Nieuwerkerke. Alexandre Sauzay, Louis Clément de Ris et Alfred Darcel sont alors ses adjoints.

En 1871, la réorganisation administrative des musées désormais nationaux permet la création d'un département de la Sculpture et des objets d'art du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps modernes (officiellement dénommé ainsi en 1874), dont Barbet devient conservateur. Il est nommé en 1879 administrateur des musées nationaux, titre qui correspond à la fonction de directeur. Une cabale probablement politique, causée par son refus de recruter deux gardiens protégés par un député breton, va aboutir au limogeage de ce bonapartiste, dès 1881, quand la République de Jules Ferry reprend la main sur la Culture.

Barbet de Jouy est considéré comme le « sauveur du Louvre » en 1870-1871. Lors de l'invasion prussienne, du siège de Paris et de la Commune, il demeure au musée, coordonne l'action des gardiens, veille à la sécurité. Doué d'un sens aigu du service public et de ses responsabilités, il est l'interlocuteur intraitable des artistes communards qui veulent diriger le musée, Courbet ou Dalou, mais témoignera par la suite en faveur des artistes et aidera Dalou à obtenir un passeport pour l'Angleterre. Lors des incendies allumés par la Commune en mai 1871, s'il ne dirige pas l'armée qui, sous la direction de Bernardy de Sigoyer, éteint l'incendie qui menaçait la Grande Galerie, il assure la protection des collections avec l'aide d'Antoine Héron de Villefosse et de la cohorte des gardiens. Il a tenu un passionnant journal durant ces événements, qu'il portera à la connaissance de Maxime du Camp lorsqu'il rédigera son histoire de la Commune, mais qu'il refusera de publier de son vivant.

La contribution de Barbet de Jouy à l'histoire de l'art est essentiellement celle d'un conservateur au Louvre : il rédige des catalogues, achète (peu, faute de moyens, sauf pour le musée des Souverains), fait agir de généreux donateurs. Lui-même effectue quelques dons, en particulier une tête d'angelot en marbre, de provenance marseillaise. S'il est collectionneur, comme le montrent le catalogue de la vente de nombreux objets orientaux de sa collection et les planches illustrant L'Histoire du mobilier d'Albert Jacquemard, où apparaissent des coffres et autres meubles médiévaux, il est plutôt éclectique dans le choix des enrichissements du Louvre.

Barbet de Jouy écrit peu, en dehors des catalogues. Mais ceux-ci sont particulièrement bien faits. Le catalogue des gemmes et joyaux de la galerie d'Apollon est précédé d'un excellent historique de la galerie, où ils ont pris place, sous sa direction en 1861, dans de somptueuses vitrines.

Ses premières publications, des opuscules – peut-être à compte d'auteur –, semblent être destinées à le placer bien en cour auprès du comte de Nieuwerkerke, dédicataire de l'ouvrage sur les Della Robbia. Barbet se montre très attaché à bien cerner les sources documentaires. Son étude suit pas à pas et critique le texte des Vite de Vasari (dans l'édition de 1846) et, à un moindre degré, Baldinucci. Après une étude biographique des membres de la dynastie, il a le mérite de confronter les textes aux œuvres et d'entreprendre une définition du style de chacun en se fondant sur des éléments certains. Puis, armé des critères stylistiques ainsi définis, il tente un catalogue critique des productions en terre cuite émaillée, rejetant certaines comme douteuses, répartissant les autres entre les membres de la dynastie. Sa prudence est grande : « Je le crois d'André », écrit-il à propos de certaines pièces ; un chapitre est consacré aux « ouvrages douteux », vus et décrits à la fin de 1853 ; le dernier renferme seulement la description des ouvrages vus par les annotateurs de Vasari en 1848.

Son opuscule sur les fontes de Primatice comporte les mêmes qualités de rigueur. Il fait le tour des sources : encore une fois les Vite de Vasari, mais aussi les Mémoires de Cellini, la description de Fontainebleau par le père Dan, et surtout les mentions des comptes des Bâtiments du Roi, qui lui semblent irréfutables et lui permettent une admiration appuyée envers le comte de Laborde, son supérieur hiérarchique. Son excellente méthode lui permet l'édition de tableaux comparatifs des sources documentaires. Ici aussi il divise sa démonstration en deux parties : un texte historique introductif et un catalogue exhaustif de toutes les statues (mêmes celles détruites) qui fait la part belle aux antiques du Vatican moulés par Primatice.

Au Louvre, il est essentiellement un homme d'inventaire, d'action et de réforme de la muséographie. Sa belle écriture se reconnaît dans d'imposants fichiers, sur les livres de mouvement, les premiers inventaires de la République pour les sculptures et les objets d'art. On lui doit certainement une large part du « musée de la Renaissance », fort de majoliques et de sculptures des Della Robbia. Dans la galerie d'Apollon, il déploie les gemmes, transformant une vaste salle palatiale en l'écrin des collections de la Couronne, auquel il ajoutera, après 1871, les meubles de Boulle et les vases sauvés du château de Saint-Cloud. Au musée des Souverains, il transforme de manière chronologique et scientifique le parcours des vitrines, avant lui dédiées essentiellement aux reliques symboliques. On lui doit aussi l'entrée au Louvre des bronzes d'après l'antique de Primatice et de nombreuses statues préservées des événements belliqueux aux Tuileries et à Saint-Cloud. Sa courte direction du département des sculptures et des objets d'art (1871-1879) ne lui offre guère l'occasion d'études nouvelles. Les acquisitions majeures sont alors la Vierge d'Olivet, la porte du palais Stanga de Crémone et le buste de Filippo Strozzi de Benedetto da Majano. Cet intérêt pour la Renaissance italienne renoue avec l'époque de sa jeunesse et du voyage en Italie de 1853. Mais il a alors à ses côtés depuis 1874 Louis Courajod, qui réalise l'étude documentaire, et sa publication de la porte du palais Stanga ne fait que reprendre le travail accompli par son jeune adjoint, alors que l'étude matérielle est faite par un sculpteur, Gaston Guitton.

Geneviève Bresc-Bautier, conservateur général, directeur du département des sculptures du musée du Louvre

Principales publications

Ouvrages et catalogues d'expositions

Articles

  • « Notice sur Albert Jacquemard ». In Albert Jacquemard, Histoire du mobilier. Paris : Hachette, 1875.
  • « La Porte de Crémone au Louvre, I. Notice historique ». Gazette des Beaux-Arts, 1876, 2e période, t. XIII, p. 313-322.

Bibliographie critique sélective

  • Viel-Castel (de) Horace. – Mémoires du comte de Viel Castel sous le règne de Napoléon III (1861-1864), publiés d'après le manuscrit original. Paris : Berue, 1883-1884.
  • Bouchot Henri. – Notice sur M. Joseph-Henri Barbet de Jouy lue dans la séance du 26 juin 1897, Institut de France, Académie des beaux-arts. Paris : Firmin Didot, 1897.
  • Ussel (comte d'). – « Barbet de Jouy, son journal pendant la Commune ». Revue hebdomadaire, 1898, X, tiré à part. Paris : Plon, Nourrit et Compagnie, 1898.
  • Prévost Michel. – « Barbet de Jouy ». In Dictionnaire de biographie française, Paris, 1951. t. V.
  • Valabregue Anthony. – « Barbet de Jouy », La Grande Encyclopédie, Paris, t. V.
  • Gaétan Isabelle et Héran Emmanuelle. – « Henry Barbet de Jouy (1812-1896), de la bonne gestion des collections ». In Bresc-Bautier Geneviève, Lafabrie Michèle, dir., Un combat pour la sculpture. Louis Courajod (1841-1896), historien d'art et conservateur. Actes de la Journée d'étude organisée par l'École du Louvre et le département des sculptures du musée du Louvre à l'occasion du centenaire de la mort de Louis Courajod (1841-1896), musée du Louvre, 15 janvier 1996. Paris : École du Louvre, 2003, p. 34-58.

Sources identifiées

Paris, archives des Musées nationaux

  • Procès-verbaux du conservatoire, 1851, 1868-1881 (1 BB 10, 17-30)
  • Inventaires des sculptures, livre des mouvements (1 DD 134 et 136 ; 2 DD 13)
  • Dossier personnel, nomination au Louvre en 1847 (O30)
  • Correspondance, 1879-1882 (O2)
  • Série département des Sculptures, correspondance (S2, S4, S6)

Paris, Archives nationales

  • O5 129 : dossier personnel
  • F21 4475, 4477, affaire de la démission forcée

Paris, bibliothèque de l'Institut

  • Fonds Maxime du Camp, lettres de Barbet de Jouy (Ms 3763)

Paris, Fondation Custodia

  • Lettre à Mme Pierre-Achille Meunier (n° 2003-A.10).

En complément : Voir la notice dans AGORHA