Eighties incomprisesArt et société dans les années 1980

Organisée par le Centre Pompidou et l'association Profession Photographie, en lien avec l'exposition "Les années 1980, l'insoutenable légèreté. Photographies, films" (Galerie de photographies du Centre Pompidou, 24 février - 23 mai 2016).

Longtemps mal aimé et mal compris, l'art des années 1980 fait depuis quelques temps l'objet d'une relecture de la part de l'histoire de l'art. La décennie 1980 tend en effet à être perçue comme un moment hédoniste et "léger", succédant au "moment théorique" des années 1960-1970. Or, l'inflexion récente des méthodes de l'histoire de l'art en direction de l'histoire culturelle permet de réévaluer la décennie 1980, marquée certes par un certain désenchantement politique, mais aussi par de nouvelles formes de réinvestissement social de l'art.

Dans la décennie du "grand tout culturel" se pose la question du lien entre l'art et les industries de l'image (publicité, clips vidéo), mais aussi celle de la visualité de nouvelles contre-cultures. La photographie connaît alors un profond changement, avec le déclin des modèles du photojournalisme au profit d'une photographie dite "plasticienne", cultivant une certaine hybridité avec le pictural et le théâtral. Alors même que semble triompher "l'image fabriquée", s'élaborent parallèlement de nouvelles stratégies documentaires.

Cette journée d'étude sera donc l'occasion de revisiter les enjeux socioculturels de l'art des années 1980 en s'appuyant sur la contribution de critiques, d'historiens de l'art et d’artistes, constituant ainsi une plateforme d'échanges pour des recherches en cours.

Programme

11h – Introduction : Jean-Pierre Criqui, Karolina Lewandowska

11h15 – François CUSSET, professeur à l’université Paris X – Nanterre.
Les équivoques du visible: ostentation décomplexée et pulsion scopique dans la culture des années 1980.

Le tournant idéologique et culturel des années 1980 prend aussi la forme d'un double rapport au visible, qui inaugure celui qui nous est contemporain mais sur un mode plus brut, non encore dégrossi, période pionnière oblige: l'hyper-visibilité comme clé de voûte du système de sémantisation dominant, et articulé à elle, la mise en invisibilité de pans entiers du présent et du passé récent (inventaire, décret d'obsolescence, refoulement, oubli orchestré).

11h45 – Christine BUIGNET, professeure à l’université Toulouse Jean-Jaurès.
Fiction : la “part maudite” de la photographie ?

Il sera question d’examiner en quoi cette « insoutenable légèreté » de photographies des années 1980 – souvent des images mises en scène, proposant des fictions aux couleurs vives – par-delà l’aspect anecdotique qu’elles semblent présenter, peut-être l’expression, faussement naïve, de profondes tensions. Outre la transgression qu'elles opèrent des usages traditionnels du médium, nombre d'entre elles paraissent traduire la conscience aiguë d’un monde en ébullition, guetté par divers basculements.

12h15 – Michel GAUTHIER, conservateur au Mnam - Centre Pompidou, professeur associé à l’université Paris IV.
La photographie sans le réel.

Si la photographie a métamorphosé radicalement le statut des images, c’est en raison de son réalisme ontologique. La photographie est en effet un signe d’existence, une image procédant d’un contact direct avec son référent. Pourtant, dans les années 1980, elle va prendre ses distances avec ce réalisme ontologique selon diverses stratégies, envisagées notamment à travers les œuvres de James Casebere, James Welling, Jeff Wall, Andreas Gursky ou Jean-Marc Bustamante.

13h – pause.

Après-midi : culture et contre-cultures.

14h30 – Thibault BOULVAIN, Chargé d'études et de recherche, Institut national d'histoire de l'art (INHA), doctorant à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Histoires de voir. La représentation du sida dans la photographie des années 1980-1990.

Dans les années 1970, d’aucuns prédirent la fin des épidémies et des maladies infectieuses. L’irruption du sida, à l’aube des années 1980, démentit brutalement ces oracles optimistes. Fait pathologique total, l’épidémie provoquait alors une crise profonde des représentations. Elle est passée en art, dans la photographie notamment, où se sont cristallisés nombre de ses enjeux, quand une génération se retrouvait soudain confrontée à la menace de sa propre destruction.

15h – Nicolas BALLET, Chargé d'études et de recherche, Institut national d'histoire de l'art (INHA), doctorant à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
« After Cease to Exist ». Le vertige des musiques industrielles.

La culture visuelle des musiques industrielles révèle dès le milieu des années 1970 et tout au long des années 1980 un phénomène artistique global, croisant différents supports artistiques (son, graphisme, performance, photographie, vidéo). Fascinés par le rôle des médias et la nouvelle forme de pouvoir qui les accompagne dans la capacité à manipuler les masses, les artistes industriels mobilisent la photographie sous de nombreuses formes (clichés promotionnels, collages, photomontages, etc.), souvent diffusée par une pratique foisonnante du copy art et du mail art. Empreint d'une esthétique de la dystopie, ce mouvement dévoile les aspects les plus conflictuels de l’ère postindustrielle des années 1980.

15h30 – Marie VICET, doctorante, Université Paris Ouest Nanterre La Défense / Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Le clip vidéo: un nouveau format de création pour les artistes?

Les années 1980 ont été marquées par la naissance des chaînes musicales, dont MTV fit figure de pionnière, et du développement à la télévision d’un nouveau format, le clip vidéo. À la recherche de nouveaux talents, cette industrie en pleine expansion employa de nombreux créatifs, mais aussi très rapidement également des réalisateurs venant du cinéma et des artistes plasticiens reconnus. Quels sont les rapports entretenus par les artistes avec ce nouveau format ? Entre création et regard critique, le clip va devenir au cours des années 1980 un lieu d’expérimentation et de réflexion incontournable pour nombre d’entre eux.

16h – Discussion

17h – Table Ronde
Karen KNORR, artiste et Martin GUTTMAN, artiste, du duo Clegg & Guttmann – discussion animée par Marion Duquerroy

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Informations pratiques

11 mai 2016 - 11h-18h
Centre Pompidou, Petite salle (niveau -1)
Place Georges-Pompidou
75004 Paris

Entrée libre dans la limite des places disponibles.