Cultures en NormandieLe tournant du contemporain dans les années 1980 ?

Concept esthétique dont la définition est soumise à de nombreux enjeux, le
contemporain se décline dans tous les domaines de la création. Synonyme de nouvelles avant-gardes, de nouveau paradigme (au sens où l’emploie la sociologue de l’art Nathalie Heinich), le mot signale également ce qui appartient au temps actuel. Si l’art contemporain est peut-être un « genre » qui se définit progressivement dans l’ère post-moderne, le terme de contemporain traduit aussi une manière de s’inscrire dans le temps présent, de réagir à un contexte en proposant de solutions nouvelles, créatives, parfois innovantes. Il s’agit de la création contemporaine, vivante, prise dans son sens le plus apte à traduire la diversité des acteurs du monde présent.
Les années 1980 forment en France le creuset de nouvelles identités : la société est en mouvement. Elle change de visage, revendique davantage son multiculturalisme. L’heure est à la démocratie culturelle, toutes les formes de cultures revendiquent leur droit de cité. De nouvelles pratiques et de nouveaux symboles émergent : la naissance des radios libres, la musique pop ou le rock alternatif, la figuration libre, la multiplication de figures médiatiques de l’art contemporain (Picasso, Cocteau et Warhol sont déjà des stars, certains à l’exemple de Haring, Basquiat, Schnabel sont en proie à le devenir) dans les galeries parisiennes et les magazines consacrés à l’art.
La culture subit un important changement d’échelle. Sous l’impulsion de l’arrivée au pouvoir du socialiste François Mitterrand, et par l’action initiée par le ministre de la culture Jack Lang, un effort majeur est effectué en faveur de la décentralisation, serpent de mer de la politique culturelle française depuis le 19e siècle. Beaux-arts, théâtre, musique : la culture vivante connaît une nouvelle dynamique. L’État qui multiplie le budget de la culture par deux et crée de nouveaux outils comme la délégation aux arts plastiques (1982) chargée de mettre en oeuvre de nouvelles orientations pour la création artistique. La commande publique est encouragée, tout comme la rénovation des écoles d’art. A Paris, de « Grands Travaux » se préparent. Le chantier de la décentralisation n’est pas simple, tant l’époque, la mode, la morale, la passion s’écrivent à Paris. En régions, l’Etat initie des fonds de soutien : les FRAM (Fonds régionaux d’acquisition pour les musées), les FRAC (Fonds régionaux
d’art contemporain), un important dispositif visant à faire rayonner la création
contemporaine sur les territoires.
La décennie est également marquée par un fort dynamisme associatif dans le
monde culturel. Les initiatives privées se développent. Les artistes se regroupent sur les territoires, de nombreux collectifs se retrouvent pour monter les labels, travaillent ensemble dans les centres d’art. Bien que son action se renforce, un certain monopole de l’État prend fin. Les régions, mais aussi les acteurs locaux, reprennent en mains les territoires. Mais pour quelle culture ?
Réfléchir à la portée des années 1980 dans le domaine esthétique mais aussi des pratiques culturelles est essentiel pour mieux comprendre les enjeux culturels et artistiques à venir. Nous l’envisagerons ici au travers d’un regard pluridisciplinaire et explorerons une singularité régionale en résonance avec la dimension nationale et internationale. L’objet de ce colloque est de faire le point, tour d’horizon non exhaustif mais significatif, sur la dynamique artistique, culturelle, institutionnelle, publique et privée qui s’exprime sur le territoire dans les années 1980, principalement en Haute-Normandie, en répercussion à un élan qui s’exprime sur le plan national. Quels sont les chantiers marquants? Quels sont les enjeux de la décentralisation culturelle en Normandie et font-ils apparaître dans certains domaines une singularité régionale ? Ce diagnostic posé sur les années 1980 s’envisage également dans la préfiguration de la recomposition territoriale normande amenant un nouveau périmètre d’action pour l’art et la culture.

Auditorium du musée des Beaux-arts de Rouen
26 bis, rue Jean Lecanuet
76000 Rouen