Louis Marin. Le pouvoir dans ses représentations

Du 29 mai au 26 juillet 2008

du mardi au samedi
du 13h à 18h

Galerie Colbert
Salle Roberto Longhi
2 rue Vivienne
75002 Paris

Accès : 6 rue des Petits Champs

Entrée libre

Né à Grenoble en 1931, normalien et agrégé de philosophie, Louis Marin a suivi un cursus universitaire classique, mais il a vite emprunté des chemins de traverse qui l'ont conduit d'abord en Turquie, ensuite à Londres, puis dans plusieurs grandes universités américaines, San Diego et Baltimore (Johns Hopkins) d'abord, Princeton et Chicago plus tard. Ces voyages correspondent à autant de rencontres essentielles : Algirdas Greimas et la sémiotique structurale en Turquie, Edgar Wind et l'iconologie warburghienne à Londres, Michael Fried et ses thèses sur le modernisme à John Hopkins. Mais, dès son passage à l'École normale supérieure, Marin avait fréquenté les cours de Louis Althusser et de Michel Foucault, se liant d'amitié avec Pierre Bourdieu, Jacques Derrida et Michel Deguy.

Dans les années 1960 et 1970, Marin a participé avec Michel de Certeau aux travaux du Laboratoire de sémio-linguistique dirigé par Greimas et s'est engagé avec lui dans la révolution épistémologique du structuralisme. Sa thèse d'État sur la Logique de Port-Royal publiée en 1973, est une analyse de la notion de représentation et de ses enjeux théologiques et politiques à l'âge classique. Ses contributions à la construction d'une sémiotique structurale ont eu notamment pour cadre le Centre de sémiotique et linguistique d'Urbino.

Élu directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales en 1977, Marin y a tenu un séminaire intitulé « Sémantique des systèmes de représentation » dans lequel il a analysé textes, images et pièces de théâtre du XVIIe siècle français. À partir de Détruire la peinture (1977), les arts visuels ont pris chez Marin une place de plus en plus importante. Il a étudié en profondeur les œuvres de Caravage, Poussin, de Philippe de Champaigne, des maîtres du Quattrocento italien, mais aussi celles de Paul Klee, de Jackson Pollock et de certains artistes contemporains.

L'exposition Le pouvoir dans ses représentations lui rend hommage à l'INHA, en éclairant une question à laquelle il s'est beaucoup intéressé : l'étroite relation entre pouvoir et représentation.

Pour Louis Marin, il ne s'agit pas de penser le pouvoir comme un concept qui préexisterait à toute représentation, mais de montrer, au contraire, qu'il prend toujours forme dans des représentations : en ce sens, le pouvoir, c'est la représentation. Selon les termes employés par Louis Marin, la représentation est en effet l'opération qui met « la force en réserve dans les signes », en transformant la force en pouvoir. Les façades des palais, les portraits équestres, les monnaies, les jardins, les cérémonies et les fêtes sont les signes de la force que le Roi se retient provisoirement d'exercer. Substituts de la violence absolue, ces signes du pouvoir assignent aux sujets leur place, déterminant la condition de leur assujettissement entre l'amour et la crainte. Ainsi, dans la fête des Plaisirs de l'île enchantée donnée à Versailles en 1664, le roi magicien offre à ses invités « tous les plaisirs possibles ». Fantasme du pouvoir absolu, comme la définit Louis Marin, la fête royale est un rituel par lequel le souverain confirme et intensifie son emprise sur l'affectivité de ses sujets. Chacun y « marque avantageusement son dessein de plaire au Roi, dans le temps où Sa Majesté ne pensait elle-même qu'à plaire ». Mais la fête culmine et se conclut avec un immense feu d'artifice, exhibition menaçante de la force guerrière du roi.

L'exposition proposera une reconstruction du dispositif visuel du séminaire que Louis Marin dirigeait à l'EHESS, en utilisant ses diapositives dans un montage d'images et de textes relatifs aux thèmes qu'il abordait dans son enseignement : le portait du roi, les frontispices, les illustrations des Contes de Perrault, les plans de villes et de jardins… Une place importante sera impartie à ses travaux sur l'utopie, qui était pour lui, comme le montre l'étude inattendue qu'il consacra à Disneyland, le lieu du neutre annulant toute contradiction et la possibilité même du conflit. Ce texte sera mis en regard d'œuvres contemporaines qui en prologent, à leur façon, le propos : les photos d'Allen Sekula et de Fred Linodier , les Planisferi du groupe Stalker . Un entretien accordé par Louis Marin à France Culture sur Disneyland comme « utopie dégénérée » sera diffusé dans l'exposition.

La présentation d'un choix de livres et d'articles en plusieurs langues montrera le rayonnement international croissant de l'œuvre de Louis Marin, ainsi que l'actualité de ses réflexions sur la relation entre les images et le politique. Du 7 au 11 juillet 2008, avant la fin de l'exposition, une partie du 8ème Congrès international de l'association Word and Image aura pour thème « Louis Marin : l'être et l'efficacité de l'image » ; elle se déroulera à l'INHA sous la direction de Charlotte Schoell-Glass et de Nigel Saint.

Giovanni Careri, directeur du CEHTA-EHESS.

Exposition organisée par Giovanni Careri, Xavier Vert, avec la collaboration de Cléo Pace et de Françoise Marin.