L’eau : aspects techniques et esthétiques.

Lundi 10 décembre 2007
16h-20h

Galerie Colbert
salle Ingres (2e étage)
2 rue Vivienne
75002 Paris
accès : 6 rue des petits champs

Journée d'étude organisée par « Autour d'André Le Nôtre » : Groupe de recherche sur l'histoire des jardins dans l'Europe moderne, animé par Pierre Bonnaure, Hervé Brunon, Georges Farhat et Aurélia Rostaing

Pour plus de renseignements :
site internet du centre Chastel

Résumés

  • Géraud Buffa, conservateur du patrimoine (Inventaire général du patrimoine, région PACA)

L'eau des jardins du château Neuf de Saint-Germain-en-Laye.

Le Château Neuf de Saint-Germain-en-Laye, élevé au XVIe siècle à côté du château Vieux et détruit peu avant la Révolution, dut en grande partie sa renommée aux grottes qu'Henri IV fit aménager dans les jardins en terrasses qui descendaient jusqu'à la Seine. Des sept grottes construites entre 1598 et 1608, il ne reste aujourd'hui quasiment rien. Mais les nombreux témoignages de voyageurs venus de toute l'Europe pour les admirer ainsi que les devis, dessins et gravures qui nous en sont parvenus constituent autant de sources pour décrire ces trésors disparus. Les travaux historiques conduits dès le XIXe siècle complètent une documentation riche et variée, mais éparse.
L'eau jouait dans ces jardins un rôle fondamental directement transposé des exemples italiens par l'hydraulicien Tommaso Francini, que le roi fit venir de la cour de Florence spécialement à cet effet. Cette eau, tout à la fois technique, ludique et somptuaire, ne parvenait pourtant pas en grande quantité aux châteaux royaux de Saint-Germain-en-Laye, qui dépendaient entièrement d'un système d'adduction déjà vieilli à la fin du XVIe siècle, le Grand Cours. Il s'agissait d'un aqueduc construit dès 1528 par les fontainiers de François Ier, probablement à partir d'un ancien réseau de canalisation dont l'origine pourrait remonter au règne de Charles V. Régulièrement entretenu, il assurait l'alimentation des deux châteaux et fournit à Francini l'eau nécessaire pour mener à bien ses extraordinaires projets.
Un tel ensemble fut rapidement considéré dans toute l'Europe comme l'une des plus admirables réalisations de l'époque. L'eau y rythmait les espaces extérieurs grâce aux différentes fontaines réparties d'un niveau à l'autre. Surtout, autant dissimulée que mise en scène, elle contribuait fortement à transformer l'intérieur des grottes en un espace à part, où la nature recréée se nourrissait de mille et un artifices hydrauliques. Ce jeu subtil sur la gamme qui va de l'éclatant au visible, du visible au mystérieux et du mystérieux aux secrets bien gardés des mécanismes cachés derrière les murs, se jouait du visiteur lorsqu'il regardait l'eau couler à flots aux fontaines ou ruisseler sur les parois rocheuses sans savoir qu'elle allait bientôt surgir sous la forme de jets farceurs. Il le laissait également ignorant des détails qui faisaient du précieux liquide le moteur des différents automates dont six des sept grottes étaient l'écrin, mettant en branle les mécanismes, insufflant le mouvement à la matière et transformant les frémissements de l'air en musique.

  • Raphaël Morera, doctorant, Fondation Thiers-université Paris I

De l'eau pour les jardins : les fontaines du Père François (milieu du XVIIe siècle).

Entre la seconde moitié du XVIe siècle et le règne de Louis XIV, la question de l'alimentation en eau des fontaines intéresse de nombreux auteurs. Si Besson et Palissy sont plus intéressés par les questions d'ordre scientifique et religieux, ils n'omettent cependant pas de leur consacrer quelques développements. Au XVIIe siècle, Olivier de Serres, Louis Savot et, bien sûr, Salomon de Caus reprennent la question. Leurs ouvrages, bien que fort intéressants, ne sont guère détaillés sur le plan technique. Cela est par exemple très sensible dans les illustrations. De ce point de vue, les travaux du Père François marquent un notable changement. Dans les deux ouvrages que nous aborderons, La science des eaux (1653) et L'art des fontaines (1665), il se distingue notamment en accordant une large part au nivellement et en fournissant plusieurs détails techniques.
En bon Jésuite, le Père François place également son propos à un niveau très général, à l'image de ses prédécesseurs protestants, Besson, Palissy et Olivier de Serres. Sur le plan technique, qui nous intéresse principalement, l'essentiel des développements sont dédiés aux problèmes posés par l'alimentation en eau des jardins. Trois axes d'étude peuvent être dégagés. L'application du nivellement à la conduite des eaux fonde pour partie l'intérêt du travail du Père François. Cela implique en effet la prise en compte des techniques de mesures et de représentation graphique originales. Sous un autre aspect, il convient de souligner l'absence d'innovation technique. Le Père François se contente en effet de présenter des pratiques connues et employées depuis fort longtemps. Enfin, il semble que ces ouvrages soient révélateurs, d'une part, de l'attente d'un certain public auprès de qui les jardins et les fontaines suscitent un intérêt particulier, et d'autre part d'une attention particulière portée par la Compagnie de Jésus aux questions hydrauliques.