L’eau : aspects techniques et esthétiques.

4 février 2008
16h-20h

Galerie Colbert
salle Peiresc, rez-de-chaussée
2 rue Vivienne
75002 Paris
accès : 6 rue des Petits Champs

Journée d'études dispensée par Jessica Ongini et Pierre Bonnaure.

Organisée par « Autour d'André Le Nôtre » : Groupe de recherche sur l'histoire des jardins dans l'Europe moderne, animé par Pierre Bonnaure, Hervé Brunon, Georges Farhat et Aurélia Rostaing Sous l'égide du Centre André Chastel (UMR 8150 CNRS – Paris-IV – MCC) et du Centre Ledoux (Paris-I)

L'eau : aspects techniques et esthétiques. II. Le cas des Tuileries, du XVIIe siècle à nos jours

Jessica Ongini, diplômée d'études approfondies de l'université de Paris I

Alimenter les jardins du Palais des Tuileries à l'époque moderne (XVIIe-XVIIIe siècle).

Derrière la magie des jets d'eau des jardins royaux du palais des Tuileries se cachait une carence en eau, malgré la recherche d'une maîtrise technique. En 1594, lorsque Henri IV entre dans Paris, la situation hydraulique parisienne est marquée par une augmentation des besoins en eau potable, liée à une forte démographie, et par un faible approvisionnement de la ville. Ce dernier dépend encore des aqueducs mis en place à l'époque médiévale et est presque inexistant sur la rive gauche en dehors des puits. Ce problème est accentué par l'augmentation des besoins royaux (palais et jardins). Pour remédier à ces deux problèmes, plusieurs pistes sont explorées. Après avoir procédé à la rénovation et à l'installation de nouvelles fontaines et de nouvelles conduites, le roi fait rechercher les moyens d'augmenter les volumes d'eau et d'alimenter les fontaines publiques, les palais et les jardins royaux. Le choix se porte sur le système de la pompe hydraulique. La machine de la Samaritaine, adossée à la seconde arche du pont Neuf, fut mise en fonctionnement en 1608. Elle était dotée de deux pompes aspirantes et refoulantes activées par une roue dépendante du mécanisme d'un moulin-pendant. Les eaux de la Samaritaine étaient destinées aux bâtiments du Roi. Les recherches s'engagent aussi vers le système gravitationnel avec l'aqueduc d'Arcueil, dit aussi Médicis. Les eaux d'Arcueil alimentaient les fontaines et les jardins des rives gauche et droite. En 1670, la Ville fit installer, à son tour, des pompes au pont Notre-Dame. Différents plans des fontaines datés du début du XVIIIe siècle, dont celui levé par l'Abbé Delagrive en 1735, « Plan des fontaines de la ville et des faubourgs de Paris », mettent en évidence les différents systèmes d'approvisionnement et la distinction entre les eaux du Roi, destinées aux bâtiments du Roi (palais, jardins et concessions), et les eaux de la Ville, destinées aux fontaines et regards publics. Dans ce contexte, comment étaient alimentés les jardins des Tuileries ? Un mémoire de travaux daté de 1668 fait référence à des travaux réalisés en 1661 et donne des indications sur les installations hydrauliques des jardins, notamment l'existence d'un grand bassin rond. La conduite de décharge de ce dernier conduisait l'eau à un bassin dit l'Octogone. Le plan des canalisations intitulé « Conduites des eaux de la Samaritaine et Arcueil dans le Louvre et dans les Tuileries », levé par Nicolas d'Orbay, architecte ordinaire du roi, en février 1694, montre que les jardins des Tuileries étaient alimentés à la fois par les eaux de la pompe de la Samaritaine et par les eaux amenées par l'aqueduc d'Arcueil. Au XVIIIe siècle, la demande en eau potable s'accroît, et le réseau hydraulique du XVIIe siècle s'étoffe pour tenter de répondre à cette demande. Dans une lettre adressée au ministre d'Etat et contrôleur général des finances, le gouverneur de la Samaritaine laisse entendre que les jets d'eau des jardins des Tuileries fonctionnent à plein régime.Ce premier réseau hydraulique parisien fut essentiel jusqu'au début du XIXe siècle. Même s'il ne répondait pas aux besoins (poussée démographique et prise de conscience des nécessités de l'hygiène), il contribua cependant aux fastes royaux par l'animation des jardins.

Pierre Bonnaure, jardinier en chef des Tuileries et du Palais-Royal :

Les réseaux hydrauliques des Tuileries de la Révolution à nos jours : états, fonctionnements, usages et projets.

Le regroupement des « eaux du Roi » aux « eaux de la Ville » au sein d'un même Service des Eaux municipal sous le Consulat n'a pas remis en cause, jusqu'à nos jours, la gratuité de cette eau désormais non potable. Par la suite, le creusement du canal de l'Ourcq, l'aménagement du bassin de la Villette et la réalisation de « l'aqueduc de Ceinture » décidés sous le Premier Empire, puis le maillage du réseau d'eau brute et la création d'usines de pompage le long de la Seine, modifièrent le chemin de l'eau jusqu'aux jardins. L'installation à partir de 1993 d'une station de surpression au sein des Tuileries et son équipement corollaire en filtrage et stockage de l'eau ont permis d'améliorer l'arrosage manuel des jardins et de créer un réseau d'arrosage automatique, mais ont modifié quelque peu le fonctionnement des fontaines. La transcription d'une directive cadre européenne (2000-2004), le vote d'une nouvelle loi sur l'eau en 2006 et la prise en compte des contraintes environnementales conduisent aujourd'hui à mener une nouvelle réflexion sur le principe de fonctionnement des fontaines et remettent en cause, à terme, l'alimentation en eau non potable des jardins. Nous exposerons les différentes hypothèses de travail à l'étude et, en guise de conclusion, nous ouvrirons la discussion sur ce sujet.

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